Sahel: «Les jihadistes profitent de l’absence de coopération sécuritaire entre les États de la région»

Au Niger, la ville frontalière de Diffa a connu une attaque jihadiste d'une rare intensité en fin de semaine. Dans la nuit du 22 au 23 mai 2025, des combats d'une grande violence ont opposé les Forces de défense nigériennes aux hommes du groupe État islamique en Afrique de l'ouest. Les terroristes ont infiltré plusieurs zones urbaines avant d'être repoussés de l'autre côté de la frontière avec le Nigeria. Selon les témoignages des habitants, les affrontements ont duré une bonne partie de la nuit avec des ratissages jusqu'au petit matin, les civils étant pris entre les deux feux. Le directeur de l'Institut de recherche stratégique, Lassina Diarra, analyse cette résurgence récente du groupe jihadiste.

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Au Niger, la ville frontalière de Diffa a connu une attaque jihadiste d’une rare intensité en fin de semaine. Dans la nuit du 22 au 23 mai 2025, des combats d’une grande violence ont opposé les Forces de défense nigériennes aux hommes du groupe État islamique en Afrique de l’ouest. Les terroristes ont infiltré plusieurs zones urbaines avant d’être repoussés de l’autre côté de la frontière avec le Nigeria. Selon les témoignages des habitants, les affrontements ont duré une bonne partie de la nuit avec des ratissages jusqu’au petit matin, les civils étant pris entre les deux feux. Le directeur de l’Institut de recherche stratégique, Lassina Diarra, analyse cette résurgence récente du groupe jihadiste.

RFI: Comment expliquez-vous ce regain d’assurance du groupe État islamique en Afrique de l’ouest (Iswap) ?

Lassina Diarra : L’Iswap a réussi à recruter significativement des combattants locaux, surtout au sein des miliciens Lukawara, et ces nouvelles « ressources humaines » lui permettent d’être encore plus offensif. L’Iswap a compris qu’il était important d’exister pour contrer son rival d’al-Qaïda, incarné dans la région par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jnim). Donc l’Iswap est actuellement dans une guerre de survie. Ses combattants avaient tenté de s’implanter à la frontière entre le Burkina Faso et le Bénin, sans succès. Ils essaient de se recomposer autour du bassin du lac Tchad avec le groupe Lukawara, composé de chasseurs traditionnels et d’agriculteurs déçus par l’État nigérian. Ils sont apparus pour la première fois dans le nord-ouest du Nigeria en 2018. Originellement organisés en groupes d’autodéfense, les Lukawara se sont radicalisés dans un premier temps en commettant des actes de banditisme, avant leur rapprochement idéologique avec l’Iswap. Depuis fin 2024, l’armée du Nigeria les considèrent désormais comme un nouveau groupe d’insurgés.

Mais lors des affrontements à Diffa, l’armée du Niger est parvenue à contrer l’offensive de l’Iswap et l’a repoussé de l’autre côté de la frontière…

Ces attaques s’inscrivent dans une dynamique globale. Le Jnim est en train de progresser vers le golfe de Guinée. Donc il y a une question de dimension territoriale à couvrir pour ces groupes rivaux, l’Iswap s’efforçant de prendre le bassin du lac Tchad. De plus, le Jnim fait des propositions politiques en engageant des négociations avec les États afin d’arriver à des compromis politiques. L’Iswap, par sa tradition guerrière en terme de jihad, s’oppose à cette nouvelle orientation stratégique. Il pourrait y avoir très bientôt un retour des combats entre les membres de l’Iswap et ceux du Jnim.

 

Il y a eu le retrait du Niger de la Force multinationale mixte en mars 2025, et la rancune que le président du Niger, le général Abdourahmane Tiani, entretient envers son homologue du Nigeria Bola Tinubu (qui s’était montré particulièrement favorable à une intervention militaire de la Cédéao après le coup d’État de 2023 contre le président élu Mohamed Bazoum). Ces facteurs ont-ils servi de catalyseur pour l’Iswap ?

Effectivement, l’absence de coordination régionale et les dissensions entre les États nuisent à toute réponse anti-terroriste robuste et homogène. Il y a un vrai problème de coopération sécuritaire dans la région, ce dont profitent les jihadistes pour se repositionner. Tout cela a créé un environnement propice au réveil remarqué de l’Iswap. Les États sahéliens se trouvent dans une fragilité institutionnelle et sécuritaire actuellement, ce qui offre à l’Iswap la possibilité de faire parler de lui à nouveau et tenter une nouvelle offensive au Sahel.

 

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